Le Sidru dans l’attente du jugement du TGI de Paris sur un des emprunts toxiques

Publié le par Parti Socialiste de Saint-Germain-en-Laye

En ce début d’année 2015, les habitants des 15 communes (1) du Sidru ne le savent pas forcément, car ce ne sont pas les gazettes de leurs maires respectifs qui le leur apprendront, mais deux échéances importantes se profilent dans les semaines à venir pour ce syndicat qui gère l’incinérateur de Carrières-sous-Poissy. Le Parisien s’est fait l’écho d’un des aspects du dossier dans un article du 26 décembre « La justice va trancher sur les emprunts toxiques de l'incinérateur » mais sans analyse critique des déclarations du nouvel exécutif, renouvelé en mai 2014 avec l’élection à la présidence de Jean-Frédéric Berçot.
Faisons donc à notre tour le point sur la situation du syndicat en ce début d’année 2015.
Rappelons tout d’abord que les emprunts toxiques sont anciens : ils ont été conclus entre 2003 et 2007 sous la présidence d’Emmanuel Lamy (maire UMP de Saint-Germain-en-Laye) et la vice-présidence de Jean Fraleux (ancien adjoint au maire PS de Conflans-Sainte-Honorine). Nous avons sur ce blog déchiffré et dénoncé ces emprunts toxiques dès que nous en avons eu connaissance en 2007 et surtout les deux formules les plus toxiques, indexées sur les cours de change euro contre franc suisse et dollar étasunien.
Trois sujets retiennent actuellement l’attention : la situation des deux opérations les plus perdantes, traitées avec les banques Depfa et Natixis, et les conséquences de la baisse récente de l’euro contre dollar US puis tout récemment contre franc suisse.
Dossier n°1 : le procès avec Depfa
Le dossier le plus avancé concerne le procès qui oppose la banque Depfa au syndicat depuis mai 2011. A cette date, sous la présidence d’Emmanuel Lamy (et non de J.-F. Berçot, comme l’article du Parisien le laisse entendre), le syndicat avait assigné la banque devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Ce procès a évolué lentement de mai 2011 à novembre 2014, avec des échanges répétés de pièces entre les parties, ce qui est classique pour des affaires complexes comme c’est le cas de cette opération financière qui indexe le taux à payer par le syndicat sur la différence entre les cours de change euro/dollar US et euro/franc suisse. Une médiation judiciaire avait opportunément suspendu le procès pour quelques mois avant les élections municipales de 2014.
Finalement les plaidoiries ont eu lieu le 6 novembre 2014.
Nous avons assisté à ces plaidoiries et globalement les arguments présentés par le syndicat intercommunal ont été sans grande surprise. L’avocat du syndicat a plaidé la nullité du contrat, expliquant qu’il ne pouvait s’agir d’une opération de couverture, seule permise et demandée par le syndicat. Il a ajouté que le scénario catastrophe présenté à l’exécutif montrait un taux de 6,37% (alors qu’il a atteint 55% en 2011) et que les transcriptions des échanges téléphoniques montrent l’exécutif du syndicat disant à la banque « nous sommes des élus pas compétents ». L’avocat a conclu en disant qu’il n’y avait pas « intention de nuire », mais « nous nous sommes trompés ».
L’avocat de la banque a ensuite fait quelques mises au point, corrigeant à deux reprises les déclarations de son confrère. Il a rappelé que la stratégie de « gestion active » de la dette (le synonyme convenable d’emprunt toxique) datait de plusieurs années et était assumée par l’exécutif du syndicat, jusqu’à son président qui a conclu personnellement l’opération au téléphone. L’opération incriminée avait été cotée 4 fois par la banque et le syndicat avait eu le choix entre plusieurs niveaux d’effet de levier (donc de prise de risque) et avait choisi un niveau élevé de bonification. Ensuite, les deux interlocuteurs de la banque étaient avertis : comment douter qu’un haut fonctionnaire de Bercy diplômé en droit, de Sciences-Po et de l’ENA comme le président du syndicat en 2007 ne soit pas en mesure de comprendre ce contrat ? Enfin, la formule qui prévalait avant l’opération incriminée avait un « taux d’intérêt de 11,3% » (par la perte latente d’une formule précédente de 2005) : il était évident qu’un taux bonifié de 4,68% devait s’accompagner d’un risque qui compense la différence. Pour lui, « il y avait des risques et E. Lamy le savait pertinemment ».
Le jugement est mis en délibéré et sera disponible aux greffes le 29 janvier 2015. Il s’agira du jugement en premier ressort, l’une ou l’autre des deux parties ayant la possibilité de faire appel.
Il est difficile de faire quelque prévision que ce soit sur ce cas, pour lequel la jurisprudence est mince. L’enjeu financier est le suivant : nous estimions fin 2014 la perte latente de l’opération à 6 M€ pour les années restantes et elle est remontée depuis à 13 M€ (ce montant est mis à jour en continu sur www.emprunttoxique.info/change2/). A ce montant il faut ajouter 12 M€ pour les impayés, car le syndicat a suspendu ses paiements en juillet 2011. L’enjeu total est donc actuellement de 25 M€, soit 120 € par habitant.
Les conséquences de la baisse de l’euro
Proche de 1,40 en mai 2014, l’euro contre dollar US a ensuite baissé régulièrement pour passer sous 1,20 en ce début 2015. La conséquence est une forte baisse de la perte latente sur l’opération traitée avec la banque Depfa : de 17 M€ début 2014 à moins de 6 M€ fin 2014, selon nos estimations.
Par contre, la décision de la banque nationale suisse de ne plus soutenir l’euro, donc de laisser le franc s’apprécier contre euro, a fait remonter le taux à payer vers 30% et le coût de sortie de cette opération, qui est remonté à 13 M€.
Le graphique suivant montre le taux à payer sur cette opération depuis 2009 (impayé depuis juillet 2011) :

Le Sidru dans l’attente du jugement du TGI de Paris sur un des emprunts toxiques

On perçoit aisément sur ce graphique l’ampleur de la prise de risque : en un an le taux était passé de 5% à 55% en 2010/2011 et il est redescendu depuis juin 2014 de 30% à 5% avant de revenir brutalement à 30%. L’emprunt toxique du Sidru est d’ailleurs celui qui a le plus grand effet de levier des 16 exemples du panel que nous maintenons en ligne à www.emprunttoxique.info/change2/ (2). Le risque qui demeure est celui d’un affaiblissement du dollar US exprimé en franc suisse.

En revanche la baisse du dollar n’avait en 2014 pas eu d’effet sur l’autre emprunt très toxique conclu par l’exécutif du Sidru en janvier 2007, cette fois avec la banque Ixis (devenue entre temps la banque Natixis). Cette opération indexe le taux à payer par le syndicat au cours de change euro/franc suisse : si le franc suisse s’apprécie contre euro, le syndicat paye plus d’intérêt. Sans entrer dans les détails – nos lecteurs peuvent se reporter à nos articles sur cette formule – cela revient à dire qu’en cas de crise, le taux à payer augmente, ce qui là aussi est une conception surprenante de la notion de couverture, condition à la conclusion des opérations de gestion de la dette.

Par contre la décision de la banque nationale suisse de laisser le franc s’apprécier contre euro a fait bondir le taux à payer par le Sidru selon la formule contractuelle : il est passé en quelques instants de 38% à plus de 65% ! Cela signifie que le Sidru devrait rembourser chaque année les 2/3 de la dette restante en intérêts…

Le taux à payer dans le cadre de ce contrat a évolué de la manière suivante depuis 2009 :

Le Sidru dans l’attente du jugement du TGI de Paris sur un des emprunts toxiques

Le taux à payer selon le contrat évolue beaucoup depuis le 15 janvier et est maintenu à jour à ce lien : www.emprunttoxique.info/change/ avec une vingtaine d’autres dettes indexées sur le même cours de change. L’ampleur des hausses observées en 2010/2011 et tout récemment, de 3,50% à 35% puis à 65%, montre que l’effet de levier est ici aussi très fort. Dans notre panel de 21 dettes, la formule du Sidru affiche à nouveau l’effet de levier le plus grand (ex-aequo avec Châtenay-Malabry).

La période de stabilité de 2011 à 2014 est due à la politique de change de la banque nationale suisse (BNS), qui a soutenu l’euro et l’a empêché, de septembre 2011 au 15 janvier 2015, de descendre en-dessous du seuil de 1,20 franc suisse pour 1 euro. Autrement dit, sans la BNS le taux aurait été pendant cette durée bien supérieur à 35%. Rien de permet de présager des fluctuations futures du cours de change EUR/CHF.

Par contre, une particularité de la relation avec Natixis, c’est que la banque a consenti à ce que le syndicat ne paie ‘que’ 10% d’intérêt de 2011 à 2014, au lieu de revendiquer l’application de la formule. Ce ‘cadeau’ n’est pas anodin : il a représenté environ 2 M€ par an. 10%, c’est beaucoup moins que 35%, mais rappelons que le taux de cette dette avant la gestion active était fixe à 5,10%. Les événements récents et la hausse du taux contractuel au-dessus de 60% auront un impact sur la relation entre le Sidru et cette banque, puisque la perte a doublé : comment sera-t-elle partagée entre les deux parties ?

Dossier n°2 : le syndicat assignera-t-il Natixis également d’ici à fin janvier 2015 ?

Conséquence de cette concession renouvelée secrètement chaque année (le taux de 10% a constitué un secret de polichinelle qui justifiait de débattre des finances du syndicat à huis-clos, voir cet article pour plus de détails), le syndicat n’a pas assigné la banque en justice. On ne sait donc toujours pas si le syndicat conteste ce contrat.

En juin 2013, quelques jours avant une échéance légale qui allait restreindre les possibilités de recours du syndicat (5 ans après l’adoption de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008), le Sidru et la banque ont signé une convention qui reportait au 31 janvier 2015 l’application du délai de prescription.

L’exposé de cette convention précise : « Le SIDRU envisage d'engager une action en justice contre NATIXIS au titre des Contrats, devant les juridictions civiles, pénales ou administratives, action qui pourrait prendre la forme, notamment et sans que cette liste soit exhaustive, d'une action en nullité - relative ou absolue - des Contrats, ou d'une action en responsabilité civile de NATIXIS. NATIXIS considère qu'une telle action n'est pas justifiée ».

A l’approche de cette échéance, trois situations sont possibles :

  • Soit les deux parties parviennent à un accord sur un taux fixe payé par le syndicat, éventuellement accompagné du paiement d’une soulte ;

  • Soit le syndicat assigne la banque, demandant comme pour Depfa la nullité du contrat ;

  • Soit une nouvelle mesure dilatoire est choisie, comme les avenants successifs décidés par l’exécutif jusqu’à fin 2014.

Dans le cadre de ce contrat, notre estimation de la pénalité de sortie était, fin 2014, de 33 M€, très proche de son niveau de fin 2013. Après la décision de la banque nationale suisse, l’estimation de ce coût est passée à 60 M€, soit 280 € par habitant des 15 communes. Comme les concessions de la banque ont été l’objet d’avenants au contrat, il n’y a à ce jour pas d’impayés.

Le coût global de sortie sans contentieux de la gestion active de la dette est donc actuellement de 85 M€, à 30% sur la formule de Depfa et 70% sur celle de Natixis. Ce montant, qui s’additionne bien sûr au capital restant dû de la dette, se trouve être supérieur au coût de construction de l’incinérateur à la fin des années 1990, de 50 M€. La répartition de cette somme considérable entre les banques et le syndicat (en fait, les habitants) se jouera donc pour partie dans les semaines à venir.

Nous tiendrons le public informé des événements à venir et continuerons à suivre et à faire part des informations publiques en notre connaissance. Signalons sur la question de la transparence que le nouveau président, J.-F. Berçot, adjoint au maire de Poissy, a souhaité apporter une seule modification au règlement intérieur des réunions publiques du comité du syndicat (l’équivalent du conseil municipal) : il exige maintenant que l’intention d’enregistrer la séance soit déclarée à l’exécutif avant chaque réunion, alors qu’il s’agit d’un droit. La justification de cette restriction est cocasse : « organiser en amont la bonne tenue des séances notamment en cas de multitude de demandes d'enregistrement ». Or les rangs du public de la salle multimédia de Saint-Germain ont toujours été vides pour les séances du comité et nous n’avons, depuis 2007, jamais vu qui que ce soit d’autre que nous filmer les débats…

1 Saint-Germain, Poissy et Conflans ainsi qu’Achères, Aigremont, Andrésy, Carrières-sous-Poissy, Chambourcy, Fourqueux, Le Mesnil-le-Roi, Médan, Morainvilliers, Orgeval, Verneuil-sur-Seine, Vernouillet.

2 Rappelons que cette page est ouverte à tous les élu-e-s ou simple citoyen-ne-s, quelle que soit leur orientation politique.

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