Yvelines : une journaliste de l'AFP frappée d' "interdiction professionnelle"

Publié le par Parti Socialiste de Saint-Germain-en-Laye

La spectaculaire opération de police aux Mureaux le 4 octobre dernier sous les yeux de dizaines de caméras et de journalistes, gentiment conviés à assister au petit matin au travail des forces de l'ordre, avait beaucoup fait parler d'elle, d'autant que les résultats avaient été particulièrement médiocres : une interpellation...
Les journalistes s'étaient alors rendu compte qu'ils avaient été manipulés par certains fonctionnaires de police.

La journaliste de l'AFP Raphaëlle Picard avait couvert l'opération de police et écrit deux dépêches de presse, l'une retraçant les faits très tôt le matin, et l'autre un peu plus tard interrogeant les habitants, brutalement réveillés à l'aube ; elle avait intitulé cette dépêche "la colère des perquisitionnés par erreur" (à lire ici).

Depuis cette dépêche, reprise par de nombreux médias, la journaliste est victime d'une "interdiction professionnelle" par la police et la justice des Yvelines, ce que dénonce le syndicat de journalistes SAJ-UNSA dans un communiqué : 

Notre consoeur Raphaëlle Picard, pigiste permanente de l'AFP dans le département des Yvelines, est frappée depuis trois semaines d' « interdiction professionnelle » par la police et la justice du département, après la diffusion de son reportage sur l'opération de police, le 4 octobre, dans le quartier des Musiciens aux Mureaux.

Dans cette dépêche, Raphaëlle, jeune journaliste de l'AFP depuis 2004, a décrit - en se conformant avec la plus parfaite rigueur et honnêteté aux règles déontologiques de la profession - « La colère des "perquisitionnés par erreur" dans une cité des Mureaux ».

Ce reportage a valu à l'AFP de très importantes reprises dans la presse nationale et régionale, écrite et audiovisuelle.

Ce témoignage rigoureux, parfaitement sourcé et ponctué de nombreuses citations incontestables, est évidemment exempt de tout commentaire de l'auteure, comme l'exigent les règles rédactionnelles de l'AFP. Il a jeté un éclairage nécessaire sur les coulisses des opérations de police à grand spectacle, mises en scène par le locataire de la place Beauvau, par ailleurs candidat à la présidence de la République.

Mais « l'arroseur arrosé », qui ne tolère, semble-t-il, qu'une presse aux ordres et à sa bottine, a violemment réagi par l'intermédiaire de ses services départementaux :

Ce fut d'abord le directeur adjoint de la police départementale qui à la sortie d'une conférence de presse, a étrillé notre consoeur, l'accusant de « malhonnêteté intellectuelle ».

Ce fut ensuite le directeur de la sécurité publique, à qui Raphaëlle avait demandé un entretien, qui l'a accusée d'avoir « produit des faux témoignages qu'elle n'avait pas pris soin de vérifier... auprès de la police » (sic). « Notre collaboration va s'arrêter là », lui a-t-il signifié.

Ce fut encore (côté Justice), le procureur adjoint du parquet de Versailles qui lui a également signifié que sa porte était désormais fermée et qu'il « ne voulait plus jamais collaborer » avec elle. « On a toute la direction sur le dos... », a-t-il avoué.

Enfin, last but not least, le directeur de la police judiciaire des Yvelines est monté d'un cran : « On va porter plainte... ». Menace gratuite, fanfaronne et vide de sens, puisque, à ce jour, aucune espèce de plainte n'a été déposée devant une quelconque juridiction.

Raphaëlle et par voie de conséquence l'AFP, se trouve désormais coupée de toutes les sources « officielles et institutionnelles », indispensables pour couvrir de façon rigoureuse, honnête et complète, l'actualité dans ce département.

Le but poursuivi par le ministère de l'Intérieur est limpide : interdire à Raphaëlle Picard de faire son travail de journaliste et pousser la direction de l'AFP, au pire, à mettre fin à sa collaboration, au mieux, à procéder à sa mutation.

L'AFP avait obtenu il y a une quinzaine de jours, du procureur adjoint du parquet de Versailles, un rendez-vous à déjeuner, prévu le mercredi 25 octobre. Mais au dernier moment, le mercredi matin, d'une façon pour le moins cavalière et méprisante, le magistrat a signifié à l'Agence, par la voix de son assistante ou secrétaire, que le rendez-vous était annulé « pour raisons d'agenda ».

Cette affaire est très grave et ne doit pas en rester là.

La carrière professionnelle de Raphaëlle est objectivement menacée par un tenant de l'exécutif qui bafoue, avec le plus intolérable aplomb, les règles élémentaires de la République et de la démocratie et piétine la liberté de la presse.

Ce chantage pèse aussi sur l'ensemble des journalistes de l'Agence dans l'exercice de leur activité professionnelle et plus particulièrement dans les domaines police-justice et politique, en cette période très sensible d'échéances électorales et alors que la situation dans les banlieues est de plus en plus instable.

Le SAJ-UNSA demande avec instance à la Direction Générale, d'affirmer publiquement sa défense de notre consoeur et de condamner fermement les menaces et l'ostracisme dont elle est injustement victime.

Il lui demande également de saisir le Premier ministre -voire plus haut si nécessaire- de cette affaire qui constitue une grave entorse à la liberté de la presse, l'un des piliers de notre démocratie républicaine.

Le SAJ-UNSA appelle l'ensemble des syndicats et le personnel de l'AFP à soutenir Raphaëlle Picard et à envisager toutes modalités d'action - et elles sont nombreuses - pour faire cesser cette invraisemblable atteinte au droit d'informer.

Ce communiqué d'information, tant sur le fond que dans sa forme, et notamment en ce qui concerne les sources qui ont permis sa rédaction, est de l'entière et unique responsabilité du Syndicat Autonome des Journalistes de l'Agence France-Presse.

PARIS, 27 octobre 2006

SYNDICAT AUTONOME DES JOURNALISTES (SAJ-UNSA)

Visiblement, le Ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy ne souffre aucune critique, même lorsque une opération policière est un échec cuisant. Ce boycott incroyable des principaux responsables policiers et judiciaires des Yvelines est inquiétant pour la démocratie et l'indépendance de la presse.

Raphaëlle Picard n'a plus signé de dépêche pour l'AFP depuis le 4 octobre.

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