Nationale 184 : pourquoi tous ces drames ?
Chaque année apporte son lot de tués sur la N 184. Deux en octobre 2006 et encore un autre accident mortel en janvier 2007. En moyenne 3 personnes sont tuées chaque année entre Saint-Germain et Conflans, auxquelles il faut ajouter les autres victimes ; pour chaque tué on déplore en moyenne 20 blessés hospitalisés.
Pourquoi un tel bilan sur 11 km de route rectiligne ?
Chaque accident est unique, mais un schéma domine : un accrochage sur un côté de la voie, notamment au niveau des rétrécissements de 2 à 1 voie, projette un véhicule sur la voie de gauche. C'est le choc frontal, terrible entre deux véhicules roulant à 90 km/h et souvent plus.
Les principaux facteurs sont liés au comportement des conducteurs : excès de vitesse, dépassement dangereux et non-respect des feux de signalisation. Mais ces facteurs comportementaux sont aggravés par une voirie rectiligne, non éclairée, mal entretenue et dépourvue de séparation des deux sens de circulation malgré les changements successifs de nombre de voies.
Ces accidents répétés année après année sont avant tout des drames humains. Chaque accident détruit plusieurs vies, celle des tués mais aussi celle de leur famille.
Mais cette situation est aussi le reflet d'une profonde lacune dans la gestion des fonds publics. En effet, une analyse strictement économique montre que la sécurisation de cet axe est un investissement rentable à très court terme. Analysons ce problème sous cet angle économique.
La solution pour réduire fortement le nombre de victimes consiste à séparer les sens de circulation par un muret de béton et remplacer les feux par des ronds-points. Le coût de ces aménagements de sécurité est de 10 millions d'euros environ. En effet, chacun des trois ronds-points coûte environ 2 millions €, et un kilomètre de séparation de voies revient à 330 000 €. Soit un total de 9,63 millions €. Pourtant un projet de 30 millions € a bien été planifié il y a quelques années. Il allait au-delà des aménagements précédents, et, peut être à cause de son ambition excessive, il n'est jamais sorti des cartons.
Les budgets précédents peuvent être comparés à trois autres coûts :
- 11 millions €, c'est le coût annuel pour la Société des victimes corporelles sur la N 184. En effet les analyses de sécurité routière évaluent un tué à 1 190 000 € et un blessé à 129 000 €. Le budget de 10 millions € est donc "rentabilisé" par la réduction du nombre de victimes en quelques années seulement.
- 15 millions €, c'est le coût de l'échangeur A14 - N13 qui va être réalisé prochainement à Chambourcy.
- 15 millions €, c'est moins de 1% du coût du prolongement futur de l'A104 entre Cergy et Orgeval !
Ces dernières années, la priorité a été donnée par les décideurs politiques de Saint-Germain et des Yvelines aux projets d'augmentation de trafic plutôt qu'aux aménagements de sécurité. Certes, la responsabilité de ces décisions est diluée entre les diverses collectivités locales et l'Etat. Mais le résultat est là : réduire les bouchons sur la N 13 a eu priorité sur la sécurisation de la N 184. Nos élus de droite - maires, député, conseillers généraux - ont mis tout leur poids pour augmenter le trafic sur la N 13. Et ils n'ont rien fait pour la N 184. Cette stratégie est certainement rentable électoralement. Mais humainement ces choix sont cyniques. Economiquement ils sont le reflet d'une mauvaise gestion des investissements publics.
Les paroles de compassion que nous avons entendu après le dernier accident sont choquantes : avoir soutenu l'ouverture de l'échangeur de l'A14 à Chambourcy avec autant d'énergie sans rien faire pour la N 184, c'était aussi accepter ces accidents mortels sur la N 184.
Cette hécatombe doit cesser.