Escalade d’un conflit social à l’office européen des brevets (OEB)
Le conflit social qui a débuté en juillet 2013 à l’office européen des brevets (OEB) a connu un nouveau rebondissement la semaine dernière avec une manifestation très suivie par le personnel.
Cet organisme qui délivre les brevets européens a son site principal à Munich et d’autres installations à La Haye, Berlin et Vienne. Comme d’autres organismes internationaux (Interpol, UNESCO, etc.), il a pour particularité de ne pas être encadré par le droit du travail local, mais par ses propres règles. Concrètement, à part le Tribunal administratif de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) de Genève, en cas de conflit le recours d’un agent est… son patron !
Pourquoi cette nouvelle dans notre blog ? On apprend à cette occasion que depuis 2010, l’OEB est présidé par Benoît Battistelli, maire-adjoint à la culture de 2008 à 2014 et réélu conseiller municipal de Saint-Germain-en-Laye le 23 mars sur la liste conduite par Emmanuel Lamy.
Le poste de président de l’OEB est un mandat exécutif, c’est-à-dire un poste opérationnel de direction, pas une simple présidence de conseil d’administration. M. Battistelli a initié un projet de réforme baptisé « Démocratie sociale ».
Le conflit entre M. Battistelli et le syndicat qui représente la moitié du personnel de l’OEB (SUEPO) a d’abord donné lieu à des articles de la presse allemande, dont en mars 2014 le Süddeutsche Zeitung, le journal de référence de Munich, puis tout récemment de Libération qui cite l’AFP et titre « A l’Office européen des brevets, ambiance délétère et président contesté ». Les articles relatent un climat social très tendu et un mode de gouvernance autoritaire.
Bizarrement, tout a commencé par une proposition de bonus, qui a provoqué un malaise parmi le personnel, principalement des ingénieurs et scientifiques de formation qui ne souhaitent pas que leurs décisions de délivrance des brevets soient influencées par un effet sur leur salaire. Le président cherchait à augmenter la productivité, les agents y ont vu un conflit d’intérêt.
Après une première grève, le président a dans un premier temps fait changer la procédure de vote des grèves et soumis le démarrage d’une grève à une autorisation préalable de sa part. Dans un second temps, il a fait retirer aux syndicats l’envoi de messages électroniques à la liste du personnel et imposé des mesures disciplinaires à l’encontre des délégués du personnel (source). A présent, il a également changé la procédure de vote des délégués du personnel pour remplacer le vote sur une liste par un vote sur une seule personne : nouveau tollé (source).
Défendant ses réformes, Libération rapporte que M. Battistelli se dit certain qu'« une large majorité de fonctionnaires sont satisfaits des réformes » qu’il a initiées. Pourtant, le 13 mars 2014 un vote a eu lieu sur un appel à une semaine de grève. Sur 8 603 inscrits, il y a eu 3 963 votes exprimés et 3 697 votes l’ont été pour la grève, soit 93% des votes exprimés (source), un score pour le coup « zlatanesque » !
Selon les sources que nous avons consultées, on assiste dans cet organisme habituellement discret et policé à une escalade, chaque sanction entraînant de nouvelles protestations. Il ne s’agit pas de revendications catégorielles classiques (les agents de l’OEB sont très bien rémunérés), mais d’une crispation progressive entre le président et une part croissante du personnel.