Réforme du RSA : un affaissement de notre modèle social, au détriment des plus fragiles

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L'Assemblée Nationale a adopté ce mardi 10 octobre le projet de loi « pour le Plein Emploi », incluant une réforme du RSA.
 
Le Revenu de Solidarité Active (RSA) assure aux personnes sans ressources un niveau minimum de revenu, déterminé selon la composition du foyer (607€ pour une personne seule sans enfant). Il a succédé au RMI (Revenu Minimum d'Insertion), créé lors du second septennat de François Mitterrand, qui écrivait dans sa Lettre à tous les Français : "Peu importe le nom qui lui sera donné, revenu minimum d’insertion, revenu minimum garanti, l’important est qu’un moyen de vivre ou plutôt de survivre soit garanti à ceux qui n’ont rien, qui ne peuvent rien, qui ne sont rien. C'est la condition de leur réinsertion sociale".
 
Nous avons actuellement environ 1,9 million d'allocataires du RSA en France. A Saint-Germain-en Laye, le nombre d'allocataires suit la tendance nationale d'augmentation quasi constante, avec un pic en 2020, en raison du Covid.

 

Année 2016 2017 2018 2019 2020 2021
Nombre d'allocataires 526 572 600 584 710 700

Source : Observatoire des Territoires

 

Le nouveau texte de loi indique que le versement du RSA sera dorénavant conditionné à une activité obligatoire, en entreprise ou en formation, d'au moins 15 heures par semaine, ce qui est une rupture dans notre modèle de protection sociale.
 
Claire Hédon, Défenseuse des droits, s'en est vivement émue dans un article du journal Libération, daté du 10 octobre : "Qu’est-ce que c’est que cette société qui va renforcer les inégalités au lieu de lutter contre ?".
 
Le texte initial du gouvernement ne contenait d'ailleurs pas cette condition, qui a été ajoutée à la demande de LR, afin d'obtenir la majorité sur le vote. Il existe déjà des mécanismes, au niveau départemental, pour éviter les abus, nul n'était besoin d'en rajouter.
 
Ce sont au contraire les effets néfastes des sorties du RSA induites qui sont à redouter. Selon la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques), en 2018, près d'un tiers des foyers éligibles n'en bénéficient pas. L'enjeu est pourtant justement que tous ceux qui en ont besoin, soient dans ce dispositif, afin de retrouver l'emploi. Le non-recours est un problème beaucoup plus important que la fraude, et l'accompagnement devrait être un droit opposable.
 
La liberté donnée aux départements dans la définition du contenu de ces 15 heures, laisse en outre de la place à l'arbitraire, au détriment du principe de l'égalité de traitement.
 
Sur le fond, nous partageons la nécessité impérieuse de mieux accompagner les bénéficiaires sur le chemin de l'emploi. Au delà du développement ou de la mise à jour des compétences professionnelles, il s'agit aussi de bien prendre en compte les situations individuelles, qui peuvent rendre ce parcours difficile. Les problèmes liés au logement, à la garde des enfants, à la santé, à la mobilité, s'imposent aussi souvent douloureusement aux bénéficiaires.
 
Ceci suppose de dégager du temps aux conseillers-ères Pôle Emploi / France Travail, et au conseillers-ères d'insertion départementaux, pour réaliser ce suivi plus fin. C'est ce qui a été fait sur l'expérimentation en cours depuis le début de l'année localement dans 18 départements, dont les Yvelines, et pour laquelle une enveloppe de 20M€ a été affectée. Mais le financement du passage à l'échelle nationale reste malheureusement flou. Il ne serait bien sûr pas acceptable qu'il se traduise par un excès de pression sur les travailleurs sociaux.
 
Un sujet aussi important aurait mérité beaucoup plus d'engagement. Il aurait aussi mérité de sortir de ces logiques droitières, en total contresens avec notre impératif de soutenir ceux qui se trouvent en avoir le besoin, afin qu'ils accèdent à un travail émancipateur.
 

Publié dans Politique nationale

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