Fiscalité locale Saint-Germanoise : une mise en perspective est nécessaire
La majorité municipale Saint-Germanoise exprimait fièrement, dès la seconde page de son bilan de mi-mandat 2020-2023 : « Fiscalité : aucune augmentation des taux de fiscalité locale depuis 12 ans, malgré les tensions budgétaires liées aux réformes, aux crises et à la forte inflation ».
Voilà une apparente bonne nouvelle pour les contribuables, mais qu’il convient cependant de relativiser. Nous parlons ici des taxes foncières, dont le calcul résulte d’une multiplication de deux facteurs : la base et le taux. Cette base est fixée chaque année au plan national par la loi de finances. Le taux est lui aussi fixé chaque année, mais par les communes. Certes les taux n’ont pas progressé à Saint-Germain-en-Laye. Mais les bases ont, elles, régulièrement été augmentées, notamment de 3,3 % en 2022, puis de 7,1 % en 2023. Et elles le seront de nouveau de 3,9 % en 2024. Nos taxes foncières ont donc sensiblement progressé ces dernières années.
La donnée de référence pour l’établissement de cette base est la « valeur locative cadastrale », c’est-à-dire un calcul issu d’un montant théorique de loyers, qui seraient perçus si le bien était loué. Cette valeur est indexée sur l’IPCH (Indice des Prix à la Consommation Harmonisé) fourni par l’INSEE au mois de novembre de l’année précédente. Elle a donc déjà pour rôle de prendre en compte l’impact de l’inflation sur les besoins de financement communaux et intercommunaux. C’est ce qui a justifié le spectaculaire +7,1 % de 2023, que le gouvernement avait d’ailleurs un temps envisagé de plafonner à une valeur inférieure, avant d’en abandonner l’idée.
Ce mode de calcul permet en fait de générer, en montant, un apport important au budget de notre ville. Selon les statistiques publiées par l’OFGL (Observatoire des Finances et de la Gestion publique Locales), la part relative au seul foncier bâti de cette taxe foncière représentait en 2022 un peu plus de 25M€ de recettes pour Saint-Germain-en-Laye. A titre de comparaison, elle ne représente qu’environ 18,4M€ pour notre voisin de Sartrouville, qui compte pourtant environ 15 % plus d’habitants. Le montant produit n’est donc guère défavorable à notre commune, en raison de l'importante assiette que son mode de calcul lui attribue.
Les « valeurs locatives cadastrales », qui constituent les assiettes, ont été établies en 1970. Elles n’ont pas été révisées depuis, et ne sont plus cohérentes avec la réalité des loyers. Le gouvernement avait d’ailleurs prévu de mener cet exercice de mise à jour à l’horizon 2026, mais l’a finalement repoussé à 2028. Une étude de l’Institut des Politiques Publiques (https://www.ipp.eu/publication/decembre-2020-revision-valeurs-locatives-locaux-d-habitation-une-evaluation-sur-grandes-agglomerations/), datée de fin 2020, décrit quels pourraient en être les réajustements. Parmi les corrections possibles, les logements d’avant les années 50, parce qu’ils ont été rénovés, verraient leur valeur locative augmenter. Pour ceux plus récents, elle baisserait plutôt, tandis qu’elle augmenterait pour les logements spacieux avec un nombre important de pièces, etc. Toutes ces modifications devraient être lissées dans le temps pour être supportables. Au final, les taux, élevés ou bas, des communes, sont donc souvent le reflet de valeurs cadastrales dépassées, et ne doivent donc pas être appréciés en dehors de ce contexte.
Plus généralement, la tendance en matière de fiscalité locale a plutôt été dernièrement le retour vers la centralisation au niveau national. Les suppressions se sont enchaînées depuis 2010 : taxe professionnelle, certes remplacée par la CET (Contribution Economique Territoriale), taxe d’habitation sur les résidences principales, CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises), avec pour ces deux dernières, des compensations pour les budgets du bloc communal, via des transferts de TVA. Déconnecter l’impôt local des territoires est cependant doublement dangereux : il perd aux yeux du contribuable sa justification à incarner la déclinaison des prélèvements par rapport aux besoins locaux, et cela ne tend pas à responsabiliser les élus locaux. A l’heure où c’est le bloc communal qui va devoir investir fortement pour porter concrètement les projets de transformation nécessaires à la transition climatique et énergétique, il serait donc probablement utile de repenser ces mécanismes, notamment à partir de la vision qu'ont les collectivités de leurs besoins. Le think tank Terra Nova, dans un article de septembre 2023 (https://tnova.fr/economie-social/territoires-metropoles/quel-avenir-pour-limpot-local-quel-financement-des-services-publics-locaux/), propose par exemple un concept de Contribution Résidentielle, permettant de refonder l’impôt à l’échelle des territoires.
En synthèse, la fiscalité locale est un sujet particulièrement complexe, qu’il est difficile de résumer à la stabilité des taux. Sa réforme est un enjeu à venir important, notamment dans le cadre du financement de l’impérative transition écologique.