Journée internationale des droits des femmes : à Saint-Germain, on parlera "secrets de famille"!
Depuis 1982, date à laquelle fut instituée en France une Journée internationale des droits des femmes sur proposition du gouvernement Mauroy, le 8 mars donne lieu chaque année à l’organisation de manifestations culturelles rappelant le combat des femmes en faveur de leur émancipation, les avancées obtenues mais aussi la persistance d’inégalités.
Inégalités dans le domaine professionnel d’abord, où à qualification égale, elles perçoivent des salaires toujours inférieurs de 27 % à ceux des hommes et où elles ne constituent que 17 % des dirigeants d’entreprise.
Faiblement présentes aux postes de direction, elles sont a contrario surreprésentées parmi les travailleurs pauvres puisqu’elles constituent plus de 80 % des salariés à temps partiel et qu’elles sont majoritaires dans les secteurs non qualifiés (69,2 % des agents d’entretien par exemple).
Inégalités dans le domaine politique ensuite. Malgré la loi sur la parité, l’engagement des femmes en politique et leur représentation dans les exécutifs locaux et nationaux demeurent très largement inférieurs à ceux des hommes. Elles ne représentent ainsi que 22 % des sénateurs, 18 % des députés, 13 % des maires et – faut-il le rappeler - l’actuel gouvernement de Nicolas Sarkozy ne compte plus que deux femmes ministres rescapées des remaniements successifs.
Inégalités dans le domaine des représentations collectives enfin. Bien des stéréotypes sexués perdurent, expliquant pour partie les inégalités précédentes : en 2012, les tâches ménagères continuent de peser lourdement sur les femmes qui y consacrent près de deux heures de plus par jour que leur conjoint. Devenues mères, elles mettent également davantage leur carrière professionnelle entre parenthèses, le taux d’activité féminin chutant de 81,3 % à 59,8 % à la naissance du second enfant alors que celui des hommes reste stable.
Inégalités socioculturelles, professionnelles ou politiques : les thèmes de sensibilisation pouvant être abordés le 8 mars prochain ne manquent pas et pourtant la ville de Saint-Germain-en-Laye en a choisi un tout autre : "les secrets de famille".
Passé le premier moment d’incompréhension (de stupeur ?) à la lecture de l’intitulé de la conférence ("Journée de la femme : soirée spéciale "Secrets de famille"), l’envie de rire.
Hélas, le sujet est sérieux. Qui plus est, s’il peut paraître totalement incongru à première vue, ce thème est malheureusement révélateur de la persistance des crispations de la droite s’agissant du mouvement féministe et des droits des femmes.
Une conférence-débat consacrée aux secrets de famille donc. On en conviendra, c’est un thème vendeur, à la mode, prisé des psychiatres, des romanciers et des chaînes de télévision soucieuses de leur part d’audience.
Mais programmer une telle manifestation le 8 mars, c’est délibérément associer femmes et famille, les réduire à l’éternelle sphère privée dont elles sont pivot et garante, à leur devoir fondamental d’éducation (et oui, le secret de famille peut être à l’origine de troubles affectifs transmis par la mère à ses enfants...). C’est contribuer une fois de plus à l’intériorisation et à l’acceptation de stéréotypes sexués assignant aux femmes l’éternel rôle de mère et d’épouse.
Rappelons simplement qu’hommes et femmes peuvent être indifféremment porteurs ou victimes de secrets (de famille ou non), que cela relève de la vie privée et nullement du combat en faveur de l’égalité réelle, comme il est coutume d’y consacrer les manifestations programmées le 8 mars.
Rappelons aussi qu’en matière d’égalité homme/femme, tout n’a pas été fait, tout n’a pas été dit, qu’une conférence-débat autour de femmes exerçant des responsabilités économiques, politiques, de femmes migrantes, expatriées ou victimes de violences conjugales eut été plus fructueuse qu’un énième épisode de Secret story.